Artisanat grand-parental

Publié le 27 Juillet 2015

"Choquer le poing" avec ma petite fille de six mois est pour moi une expérience totalement inédite se déroulant dans une joie de premier ordre : du sublime à raz de sol !

"Choquer le poing" avec ma petite fille de six mois est pour moi une expérience totalement inédite se déroulant dans une joie de premier ordre : du sublime à raz de sol !

             Bonjour aux uns et Bonsoir aux autres !

J'ai très longuement hésité à publier un article d'intimité, personnel et familial, sur un sujet qui capte et enchante beaucoup de mon temps du quotidien depuis plus de six mois maintenant. Ce long blanc sur mon blogue s'explique essentiellement ainsi, d'ailleurs dès la fin de mon article du 28/09/2014  sur l'élasticité du temps vécu je pressentais cette petite révolution dans ma vie mais j'ignorais que la première couleur ainsi donnée à ce blogue serait blanche ! 

       Voilà qu'à bientôt 67 ans je suis parti en apprentissage de mon rôle de grand-père, un apprentissage artisanal, un apprentissage en alternance entre réflexion et action : action concrète et réjouissante de garde avec mon épouse d'une "nourrissonne" sur une journée complète par semaine,  agrémentée de quelques balades à travers champs et forêts en poussette et en solitaire avec notre petite fille, (parfois s'ouvrent d'avantage de petits moments grand-parentaux sur d'autres jours à l'occasion des circonstances de l'organisation des parents, les temps d'absence de la Nounou, ou selon les caprices de la météorologie). 

      Action salutaire (pour moi, physiquement et psychiquement) alternant avec une réflexion plutôt poussive de grand-père, c'est à dire quelques réflexions de temps en temps en dehors des périodes de garde, mais réflexions bien différentes de celles d'un artiste dont la légende familiale prétend que nous serions les lointains descendants d'un(e) de ses batard(e)s : Victor Hugo qui lui rimait sur " l'art d'être grand-père ". Quant à moi, je ne prétends qu'au noble artisanat de la prose ! (Revendication d'artisanat d'autant plus facile que cet artisanat grand-parental n'est pas encore soumis à l'inéquitable et ravageur R.S.I. !!! )

       Qu'ai-je donc appris durant ces six premiers mois d'apprentissage ?

D'abord les "révisions" (réminiscences du soin de nos propres enfants) telles que préparer et donner un biberon, surveiller les éructations (dits rots ou même rototos), nettoyer les fesses et mettre une couche, habiller et déshabiller le bébé qui gigote, marcher de long en large avec le bébé à calmer de ses "pleurs-douleurs", le berçant dans les bras ou sur l'épaule. 

Veiller sur son si précieux sommeil et surveiller, avec une attention soutenue, les faits et gestes de sa "prime vie" d'innocence de dépendance et d'inconscience (seul l'inconscient possède une mémoire à cet âge là). 

Stimuler son éveil aux interactions d'une vie élémentaire en famille,se promener régulièrement avec un landau-poussette (où maintenant le bébé est sanglé, ce qui permet d'emprunter quelques chemins de traverse) par presque tous les temps d'automne, d'hiver ou de printemps, en protégeant des dangers de tous ordres ce fragile équipage [c'est ainsi que je me suis équipé d'une tenue "girophare" d'un fluo particulièrement visible pour alerter les automobilistes de notre présence sur nos tortueuses petites routes de campagne (voir la dernière photo de cet article)]. 

Répondre à ses sourires en lui caressant le front et les joues, lui parler en bon français pour l'habituer à la musique de la langue, pratiquer (moi-assis) le "papy-bonds" la tenant à bout de bras en tentant de suivre le rythme des impulsions de ses pieds sur mes genoux, et plus tard pratiquer (elle-assise-tenue) l'entrainement à l'équilibre de la position assise toute seule......s'émerveiller de son si joli minois au regard vif......

 

Olympe avec déjà trois mois de vie

Olympe avec déjà trois mois de vie

     Après les révisions, une constatation  : c'est une histoire sans parole que la vie comportementale et relationnelle d'un(e) nourrisson(ne) avec son entourage ! Mais oui, elle existe cette relation et j'en suis témoin ! 

Jusqu'à 4 à 5 mois, ce sont des comportements d'échanges émotionnels tout simplement binaires ou dualistes balançant entre confort et inconfort étroitement partagés en famille.

Le nourrisson manifeste son confort à travers les yeux fermés d'un sommeil neuro-constructeur ou les yeux ouverts d'un regard étonné et curieux de pure découverte du réel qui l'entoure, à travers de paisibles silences ou de babils hasardeux, à travers d'avides sustentations lactées et de sonores éructations tout aussi lactées, à travers des sourires ou d'autres mimiques mimétiques, à travers de joyeux battements des bras et des jambes........

Le nourrisson manifeste son inconfort à travers des contorsions désordonnées, des regards vides et humides, des pleurs incoercibles ou des cris de colère, une "cacophagie" lactée avec refus de boire et rejets tout aussi lactés, des rictus figés du visage et un sommeil d'épuisement, des crispations des membres en position fœtale.........

Ces expressions parfaitement spontanées et instantanées de chaque état du bébé à un moment donné, entrainent le plus souvent et "normalement" le vécu d'un mimétisme instinctif de confort ou d'inconfort, plus ou moins conscient et fortement émotionnel, de la part de l'entourage parental et grand-parental. Vice versa j'ai pu observer qu'au-delà de la musique rassurante de paroles bienveillantes ou de voix (en)chantées, le nourrisson est sensible et réactif aux non-dits de l'état de stress intérieur ou de "zénitude" des adultes de son entourage et tout particulièrement de celui de sa maman : relation interpersonnelle déjà complexe !

Comme l'énergie interne des bébés semble considérable (en proportion de leur taille) et leur temps de récupération très court (derrière leurs paupières closes vivraient-ils à l'accéléré ?) cela devient vite épuisant pour les adultes qui en prennent soin (surtout à temps complet) ! Et j'adhère maintenant au club grand-parental des "Chicoufs" (chic bébé arrive, ouf il repart) !

 

En lointaine héritière des révolutionnaires de juillet 89 et de mai 68, de rouge vêtue, le poing tendu et la main sur la tétine, Olympe nous fait signe  "ce n'est qu'un début, continuons le combat"

En lointaine héritière des révolutionnaires de juillet 89 et de mai 68, de rouge vêtue, le poing tendu et la main sur la tétine, Olympe nous fait signe "ce n'est qu'un début, continuons le combat"

             Voilà, rien que de très banal en somme ! C'est déjà beaucoup de périodes à vivre, d'énergies à concentrer, de disponibilités à donner, de joies à savourer pour qu'elles soient, toutes, périodes-énergies-disponibilités-joies, vécues pleinement et intensément. Mais cela n'est rien à côté de l'évolution psychique qu'a provoqué en moi "l'apparition" de cette première petite fille !

            Arrivé à cette prise de conscience, j'hésite vraiment à vous en dévoiler davantage ..........................................................................

 

             Tout d'abord une question : Comme au temps des rois et de leur cour, le ridicule tue-t-il toujours autant sur internet ?

Si oui : je serai bientôt mort !

Si non : cela me ragaillardit dans une différence toute simple !

 

Mais en fait, qui étais-je avant la naissance d'Olympe et qui suis-je maintenant ?

Petit bilan avant le changement.

 

           En effet mon tempérament premier, mon éducation, mes études, mon métier et mon handicap m'ont placé dès l'adolescence et jusqu'à ma retraite, à côté de la vraie vie du "commun des mortels", c.à.d. à la marge de la vie ordinaire de la grande majorité des gens : je devais, de par ma "mission sociétale de médecin", me tenir à distance des réalités ordinaires, éviter toute familiarité, masquer mes faiblesses et mes douleurs, inventer des paravents d'apparence pour occulter mes disgrâces, veiller en permanence et en dépit de ma nature de Quasinormé (article : humain-avant-tout, bas page 3) à toujours me situer à l'intérieur des limites des normes, cultiver mes connaissances intellectuelles pour rester crédible et respecté, ou du moins je le croyais, sans pouvoir (savoir ? vouloir ?) remettre en cause le cadre figé que l'on m'avait inculqué et que j'avais peu à peu fini de construire dans ma tête en un système de pensées qui m'a permis de "tenir jusqu'au bout".

Un docteur se doit de respecter le serment d'Hippocrate et le code de déontologie, qui plus est, un hospitalier est soumis au devoir de réserve et à d'innombrables protocoles et consensus professionnels, accablé de multiples paperasseries et réunions plus importantes les unes que les autres (selon l'Administration), mais surtout un médecin se doit "corps et âme" à ses patients pour lesquels il doit se maintenir à l'optimum des connaissances médicales scientifiques et techniques et être pleinement responsables de ses dires faits et gestes, rester vigilant et critique sur son processus décisionnel.... Le tout nimbé du mystérieux secret professionnel..... ! 

Une cérébralité tous azimuts pendant toute une carrière professionnelle !

Toutefois mon passage à la retraite ne m'a pas libéré de la tacite injonction  :   "je me dois de......"  (notamment "je me dois de publier, au minimum, un article par mois sur ce blogue" !) car il m'est souvent arrivé de me retrouver, un peu stupide, devant mon ordinateur sans comprendre ce que j'étais venu faire là.

Ah, les rythmes du métier et le sens des responsabilités  ne lâchent pas si facilement leur emprise sur notre cerveau ! 

 

             Soudainement le jour de la naissance d'Olympe je réalise que je ne suis pas seulement un cerveau et que quelque chose de viscéral peut se produire en moi sans que je puisse contrôler quoi que ce soit !!!

      Triple choc devant cette nouvelle-née : son existence réelle (faite d'inconscience, de dépendance, d'innocence, de totale vulnérabilité.... une immanence cristalline de délicatesse), une descendance transcendante à qui transmettre, le poids gravitessent de son petit corps au creux de mes bras, me font tomber en "amour coi", un amour viscéral et inconditionnel, prêt à risquer ma vie pour préserver la sienne !  

       À ce moment là quel choc dans ma tête devant ce degré zéro de l'intellectualité, quel doux choc émotionnel en plein cœur de cet amour fulgurant, quel choc esthétique en mon esprit devant la grâce de ses longues mains, la vivacité de son regard et l'aura tonique et paisible qu'elle crée déjà subtilement autour d'elle ! 

À la maternité le jour de sa naissance.
À la maternité le jour de sa naissance.À la maternité le jour de sa naissance.

À la maternité le jour de sa naissance.

                  Renversé par ce triple choc, KO debout je suis sans voix sans langage naturellement affectif, mais même à raz du sol de l'expression émotionnelle je suis mutiquement un "aimant viscéral", enfin !

Rien à dire tout à sentir, rien à réfléchir tout à accueillir, et être heureux le plus simplement du monde.

Depuis cette salutaire mise à plat et outre ce merveilleux amour coi qu'est-ce que l'artisan-grand-père-débutant a bien pu recueillir dans sa besace d'apprenti auprès de sa petite-fille ? 

Pour l'instant : une pièce d'or à deux faces, pièce laborieusement grapillée au cours de nos longues promenades solitaires en poussette durant lesquelles, souvent éveillée je m'efforçais à lui parler sans retour et à haute voix ou bien à chantonner en improvisant des mélodies ou encore à imiter les bruits de la nature et le cri des animaux croisés par hasard.....sinon le silence bruissant de la nature et le petit grésillement des roues de la poussette sur la route accompagnaient ses assoupissements.

       La première face de cette pièce est issue de situations inédites et souvent comiques d'un duo balbutiant en pleine campagne : cela m'apprend humblement à "rire d'un rien et m'étonner de tout". Cette attitude simpliste, d'apparence puérile pour certains regards, semble friser le ridicule voire la débilité mentale mais je persiste à croire en son essence philosophique !

         La seconde face se dessine peu à peu alors que je ressens de mieux en mieux le lent et instinctif "processus de libération" d'Olympe vis à vis de mon contrôle de nos déambulations parfois cahotantes : je suis progressivement assailli d'un "stress altruiste anticipatoire et viscéral" vis à vis de toutes les mésaventures qu'elle pourrait rencontrer et de tous les dangers potentiels qui la menacent en ce monde rugueux trop souvent violent (c'est différent du système de défense psychologique qui consiste à se raconter le pire pour se mithridatiser contre le malheur) : un grand-père apeuré n'est-ce pas le comble du ridicule !? 

Ce n'est pas très glorieux, mais trop heureux de l'amour grand-parental qu'Olympe a fait naître en moi, je patiente et pour l'instant je garde ma pièce d'or au fond de ma besace en espérant que prochainement elle m'ouvre la porte du langage du cœur qui alors gratifiera toute la famille et davantage peut-être.

Que cette langue affective des émotions des romans et des chansons, que cette langue intuitivement accessible à tous, que cette langue qui sans vulgarité se moque des mots compliqués, que cette langue puisse traduire sans trahir des trésors de pensée jusque là réservés aux intellectuels originels qu'ils soient scientifiques littéraires ou philosophiques : voilà un rêve d'écriture qui me motive ! 

Curieusement je pressens qu'avec Olympe des travaux pratiques enthousiasmants m'attendent !!! Je ne manquerai pas, avec l'aval des parents, d'en partager avec vous toutes les saveurs.........

 

Une petite pause méditative au soleil d'hiver en compagnie d'Olympe qui dort dans sa poussette à la fin d'une promenade.

Une petite pause méditative au soleil d'hiver en compagnie d'Olympe qui dort dans sa poussette à la fin d'une promenade.

Rédigé par Edwin Lyoquaim alias Dominique Lamy

Publié dans #Humain, #Vous_et_Moi

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Z
/Users/gilles/Desktop/Grand-parent passeur 2015312.pdf<br /> Je ne sais si tu pourras l'ouvrir par ce biais ?.....<br /> Quelques réflexions intéressantes.
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Z
Ce n'est plus de l'artisanat c'est de l'art !<br /> Quand à la sacralisation de ton "être intello ,cadré,policé,..." ne te l'ai tu pas ,toi même, un peu trop sur-imposée? en tout cas , chouette il n'est jamais trop tard pour nous refaire partager car nous y avons perdu,nous, petites soeurs et frère, et nous sommes ravis de te retrouver avec toute ta folle verve d'écriture ! En faite je connaissais celle de la parole et soupçonné l'écriture (tare familiale ?...)
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M
Je suis ravie de découvrir ton nouvel artisanat et très admirative de la façon dont tu arrives à traduire tes sentiments et tes réactions. Ce sont là des lignes très précieuses,utiles,à la fois sérieuses et humoristiques.J'espère que tu vas continuer au fur et à mesure de tes découvertes auprès de ta petite-fille à mettre en mots des relations qui peuvent sembler complexes.Tous en profiteront ! !
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