Pour moi, ton Visage : est-ce tout Toi ? Rien que Toi ? Un petit bout de Toi ? Le contraire de Toi ? Pourquoi suis-je si troublé par ton Visage ?
Publié le 15 Octobre 2014
Prenez un peu de temps pour contempler ces Visages.
Ton Visage inquiet ou détaché ? Œuvre en grillage de Seung Mo Park en 2012
Ton Visage, ange ou démon ? Détail de la "Naissance de Vénus" de Sandro Botticelli en 1485
En un clin d'œil, un visage, connu ou non, procure des émotions, positives ou négatives peu importe, elles sont bien là prégnantes et immédiates. En une fraction de seconde notre œil a détecté la structure, le teint, l'expression du visage et une impression naît dans notre cerveau de base.
Nous sommes alors précipités viscéralement et comme par réflexe dans un dualisme primaire : j'aime ─ je n'aime pas,/ j'ai peur ─ je suis tranquille,/ je ris ─ je pleure,/ je rougis ─ je pâlis,/ en colère ─ ou en effroi,/ je suis bien ─ je suis mal,/ je suis dégoûté ─ ou mis en appétit,/ je suis triste ─ ou joyeux,/ je suis dans l'admiration ─ ou le rejet,/ dans l'envie ─ ou la honte,/ dans l'évitement ─ ou l'adhésion,/ dans le plaisir ─ ou l'ennui....
Ton Visage m'interroge de façon immédiate et me provoque profondément :
Vais-je me laisser interroger ? Comment vais-je réagir ?
Mon émotion primitive va-t-elle me culpabiliser ?
Vais-je rapidement installer une défense contre ce que me dit ton Visage ?
Ton Visage me dévoile ta différence, ton sentiment autre que le mien, ton altérité.
Je lis sur ton Visage ton accord/désaccord, ta présence ou ton ailleurs, tes émotions ou ton impassibilité, tes attentes ou ton mépris.......
À travers le silence de la photographie, ton Visage me parle, m'attendrit ou me dérange, me renvoit à mes a priori à mes sentiments troubles, à mes questionnements non résolus et mis de côté pour plus tard !
Mais l'apparence de ton Visage ou ce que j'en interprète, est-ce bien et totalement le reflet de ta personnalité ou même de tous tes sentiments du moment ?
Ton Visage serait-il si transparent comme celui d'un petit enfant ?
Malgré son habituelle nudité, ne se sert-on jamais de son visage comme d'un bouclier ou d'un paravent ? Ne m'arrive-t-il jamais de me cacher derrière un visage impavide ?
Ton Visage pourrait-il me mentir ?
Voici de vrais beaux visages, mais leur accorderiez-vous immédiatement et sans réserve toute votre confiance ?
************************************************************** Suite à un ennui technique de publication d'images : absence à cette place des photographies choisies par mes soins, mais reportez-vous rapidement au diaporama qui se trouve en toute fin d'article et qui les rassemble toutes (évitez de visualiser l'entre-deux pour conserver le suspens du texte !)
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Le Visage d'un nourrisson ou d'un petit enfant est désarmant de transparence émotionnelle, le reflet de son vécu immédiat n'y est pas contrarié par l'acquis relationnel et l'intentionnalité, pas de masque : la Vie à l'état pur !
Nouveau-né apaisé sous la main de sa maman (photographie de 2007 Wikimédia Commons Portraitlady 4306)
Fin septembre 2014, à la maternité de l'hôpital, je suis en arrêt comme hypnotisé devant le sublime Visage endormi de ma petite-fille à douze heures d'existence. Je suis bouleversé, coi, subjugué, mes idées tourneboulées.
Ce paisible Visage qui vient de naître, m'ouvre à l'infini d'une pure innocence et à l'absolue confiance d'une inconscience.
Mais j'y vois aussi un maelström silencieux d'instincts biophysiologiques, d'inné génétique, de fonctionnements automatiques de l'œuvre la plus sophistiquée de ce monde, réalisés à travers une extrême "miniaturité" : comment est-ce possible ?
En ce lieu "concentré de naissances" c'est pour moi, le grand-père, un fait extraordinaire, si ordinaire cependant pour les sages-femmes. Ce Visage lumineux, d'une si petite et mystérieuse inconnue, si proche qui vient de si loin, au passé si court et si profond, au présent si dense, à l'avenir si total, me chamboule doucement mais complètement.
Nous aussi nous avons traversé cet état de pureté sans mémoire, de potentialité tous azimuts, de lumineuse innocence, de parfaite inconscience.....et que sommes-nous devenus ? Quels choix avons-nous fait ? Quels chemins avons-nous emprunté ?
J'en suis là de ma sensation-réflexion quand, rentré à la maison je navigue sur internet tout en étant encore dans les limbes de cet éblouissement de chair sublimée à travers le fin Visage d'un nouveau-né.......je suis alors brutalement confronté ─ violence insensée ─ à cet Autre Visage d'enfant si étrange.
Il s'appelle Jameson, il a deux ans et demi, il se porte plutôt bien, il aime le chocolat et voudrait tout simplement me dire bonjour, mais son altérité me saute sévèrement aux yeux. Que vais-je faire ?
"N'ayez pas peur, c'est juste un petit garçon" implore sa maman Alice Ann Meyer qui lutte pour intégrer son fils à la société nord-américaine où ils vivent en famille. Elle souhaite que l'on parle de lui, que l'on montre son Visage et elle raconte son histoire depuis sa naissance sur un blog qui lui est consacré http://jamesonsjourney.wordpress.com/
Le choc visuel et émotionnel ressenti devant le Visage de Jameson, visage hors norme et plein de vie, en contraste avec celui de ma petite-fille qui naît à la vie, ce choc me sera salutaire, je le subodore : il est déjà à l'origine de cet article et il me pousse à prendre un chemin de réflexion en compagnie d'Emmanuel Lévinas philosophe français d'origine lituanienne décédé à Paris en décembre 1995 (cela se sent peut-être déjà dans ce que je viens d'écrire).
Monsieur Lévinas est l'inventeur de la belle expression d' « épiphanie du Visage » que je reçois comme la manifestation à mes yeux (et plus largement à mon corps), de ce qui m'était caché, jusque là, de la réalité d'autrui occupé à me regarder à travers son Visage.
Si la découverte et la reconnaissance d'un visage sont essentiellement d'ordre visuel, elles peuvent aussi être tactiles ainsi que l'expérimentent les aveugles. Le toucher peut alors venir au secours d'un dévoiement de la vue et la remettre sur le droit chemin.
Je m'explique : si moi, un des défenseurs des personnes handicapées, je suis visuellement surpris et choqué par le Visage de Jameson avec l'envie de le fuir alors qu'il vient vers moi, je vais pouvoir trouver une planche de salut relationnel en me baissant pour prendre son visage entre mes mains, lui caresser la tête et gentiment lui pincer le nez ou lui agiter les cheveux pour entrer en jeu avec lui. Peut-être ensuite je trouverai les paroles justes et adaptées pour lui signifier qu'il a de l'importance pour moi et que j'apprécie son bonjour, le lui dire avant qu'il ne retourne à son occupation de petit garçon. Je m'aperçois alors que je n'ai aucune raison valable d'avoir été visuellement effrayé puisque l'esthétique est vraiment le dernier de ses soucis !
Je mesure maintenant le degré de ma responsabilité dans l'avènement "à la base" d'une société inclusive dont le développement passe par nos yeux, nos mains, nos cœurs et nos cerveaux avant de pouvoir réellement investir la politique, l'économie, l'éducation, l'emploi......
Prendriez-vous dans vos mains les Visages de ces enfants ?
Ton Visage, si proche et si loin !
Ton Visage, inquiet ou détaché ?
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Ton Visage, ange ou démon?
Voilà dans cet article j'ai voulu faire prévaloir l'émotion sans oublier la réflexion : ai-je réussi ?
Vous êtes les seuls à pouvoir me le dire, alors je compte sur vous pour rédiger quelques commentaires qui me feront progresser.
À bientôt et merci
Dominique