Mais qu'est-ce que la " VIEMORT "

Publié le 28 Mai 2014

Bon-jour ou peut-être Bonne-nuit

Autour d'un mot qui sonne bien mais paraît énigmatique : "Viemort" je tente de communiquer un des avantages que les personnes en situation de handicap détiennent par rapport aux personnes dites "valides et autonomes".

Remarquez, juste en passant, que beaucoup de personnes dites "invalides" sont également autonomes ! N'est-ce pas ?

Un petit tour dans l'Histoire à ce sujet, Occident et Orient confondus, vous attend pour découvrir un état psychique peu connu mais joyeux, tout proche de vous et toujours actuel.

Je vous convie donc au voyage philosophique, vie et mort confondues dans l'article suivant.

(Overblog ayant changé les règles de composition des articles je n'ai pu joindre
 comme à mon habitude le document Word en PDF de ce texte que j'avais travaillé 
avec des effets de couleur et d'impression, des caractères variés de police, 
des espacements.....etc..... Cela en rendait la lecture beaucoup plus agréable, 
j'en suis désolé !). 
Chenille - Viemort - Papillon ? La Nature pose souvent de bonnes questions !

Chenille - Viemort - Papillon ? La Nature pose souvent de bonnes questions !

Mais qu’est-ce que la « Viemort » ?

Couleur (invisible ici) de « tuile » pour ce titre, n’est-ce pas ?

Éclat de tuile tombé d’un toit sur ma pauvre tête à cerveau lent, .............. Mauvais hasard me direz-vous, mais heureusement j’ai le crâne dur et les multiples vibrations ainsi occasionnées ont accouché, via mes neurones vibrionnés, de ce mot bizarre et "oxymoronphile " : « Viemort » !!!

Mais c’est exactement l’état dans lequel je me trouve à l’instant : possiblement mort mais toujours vivant !! Quelle joie ! !

Suis-je miraculé ? Dans ce cas nous le sommes tous, nous avons tous, consciemment ou non, échappé un jour ou l’autre à un danger potentiellement mortel, sur la route, à la maison, dans la nature....n’importe où, n’importe quand, même en pleine nuit et en plein sommeil !

Nous sommes tous, des vivants qui pouvons mourir à chaque instant. Vulnérabilité et fragilité, voilà notre lot commun à nous les humains mais combien en ont réellement conscience au quotidien ?

Et pourquoi avoir peur ? Cela n’a rien à voir avec les sinistres notions de mort-né(e)s ou de morts-vivants !!!

Peur de la mort ou peur du mourir ? À moins que ce soit une des multiples facettes de la peur de vivre !!!

Nous sommes vivants dans l’instant présent, là où nous sommes, (dans l’ici et maintenant disent les philosophes), voilà ce qui importe ! Non ? Voilà ce qui donne saveur, couleur, odeur (de sainteté ?), chaleur et chœur (pardon cœur) à l’ouvrage de chaque jour :

être vivant et >potentiellement mort à tout moment !!! Quelle joie de rester en vie !!! J’en trépigne sur place !!

Et l’idée acceptée du « constant possible de la mort », multiplie l’intensité de la joie de vivre.

Allez, je m’aventure à une définition !

Viemort : nom féminin, signifiant un état d’être intérieur, joyeux et
dynamique, conscient et inconscient (proportions variables), conjuguant
une confiance envers la Vie avec une gratitude envers la Mort, et
engendrant harmonieusement : amour universel, liberté sereine et
création selon ses talents. Derrière ce versant lumineux se cache son
ombre : le combat à la vie, à la mort, c’est-à-dire pour toujours : le
combat pour la vie jusqu’à la mort, le combat à mort pour la vie, tous les
jours.

Pourtant cette notion est ancienne mais elle a été vécue plutôt de façon tragique, c’est ainsi qu’en France à l’époque de la Renaissance, Michel de Montaigne aurait écrit :

« Nous n’avons icy bas chose aucune asseurée
Tout change et nostre vie a si peu de durée
Quen commencent à vivre on commence à mourir »

Plus proche de nous au XXème siècle, Jacques Prévert en poète s’amusait

« La Mort est dans la Vie, la Vie aidant la Mort
La Vie est dans la Mort, la Mort aidant la Vie »

Allez, pour aujourd’hui je tente un haïku

Dans l’instant même
Ma vie et ma mort s’enlacent
Elles dansent ma joie !

Bizarrement la « conscience-présence » de ma mort réjouit instantanément ma vie, et cette omniprésence (plus ou moins consciente) de ma mort épure, responsabilise et dilate ma vie.

Curieusement cela rend ma vie plus subtile et essentielle.Spontanément et sans trop réfléchir j’accueille la Vie/ma vie et simultanément j’accueille la Mort/ma mort, c’est parce que je meurs à chaque instant qui passe que ma vie continue, sinon l’accumulation de vie serait invivable !!! Nous serions tous des « monstres de vie », prêts à éclater comme des champignon vesse de loup (cf mon texte : Philosophie du handicap 4). 

 

 [En neuroscience des mémoires individuelles le processus très complexe de l’encodage/effacement est une petite mort mémorielle de tous les instants, sinon nous serions saturés assez rapidement malgré des capacités considérables : vive l’oubli mémoriel sélectif !!!].

 

[En biologie humaine le mécanisme génétique d'apoptose programmant, au milieu de certains tissus, de la mort cellulaire dès l'embryogénèse (c'est à dire la formation des organes du fœtus) pour réussir  les organes creux indispensables à la vie et détacher les doigts des mains et des pieds les uns des autres ... Vie et mort matériellement mêlées au plus intime de notre origine ! Et à l'inverse  dans le processus cancéreux le trop plein de vie  cellulaire conduit à la mort.]

 

Depuis l’Antiquité égyptienne cette sagesse ne s’est pas démentie et très nombreuses sont les religions qui, sous des formes variées, ont repris ces thèmes : s’attendre à sa mort à tout moment pour vivre en conséquence, et l’Homme est une créature spirituelle qui survit à sa mort physique.

 

Chez les Grecs anciens, certains se voyaient vivre avec la mort comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête et je me demande ironiquement si l’expression « aller se faire voir chez les Grecs » n’a pas à voir, tout autant que leur réputation de pédérastie, dans la signification injurieuse, agressive et défaitiste de cette expression.

 

Jusqu’à ce jour les philosophes hédonistes préfèrent s’éloigner, plus ou moins vivement, de cette sagesse un peu sombre qui semble contrarier leur recherche du « meilleur plaisir ici et maintenant » quitte à s’imposer des exercices philosophiques parfois contraignants dans l’immédiat (askêsis) pour que rien ne leur soit imposé de l’extérieur.

 

Chez les Romains le poète épicurien Horace s’en tient à son fameux « Carpe Diem » quam minimum credula postero : cueille le jour présent sans trop croire au suivant ; la mort (comme fin définitive de la vie) y est sous-entendue mais franchement éludée au bénéfice du plaisir présent. Quant à l’empereur et philosophe stoïcien Marc Aurèle, il fait sienne cette morale : « vivre chaque jour comme si c’était le dernier, ne pas s’agiter, ne pas sommeiller, ne pas faire semblant », austère et exigeant !

 

Au Moyen Âge les danses macabres souvent représentées sur les murs des églises mêlaient morts et vifs de tout rang social rappelant à chacun sa condition de mortel quel que soit son rôle dans la vie de la société.

 

Tout cela aboutit souvent à une vision tragique de la Vie, voire à une morosité au quotidien car tous les jours ne sont pas forcément brillants ni plaisants.

 

Et pourtant la formule « lâcher un plaisir d’hier pour cueillir celui de demain » ne devrait pas déplaire aux épicuriens !

 

Sentence fort proche de la suivante (de mon cru) :

 

« Mourir à l’instant qui passe, donne vie à l’instant suivant »

 

Cependant nous sommes passés de la mesure d’une vie entière et d’une mort physique radicale, à la mesure infinitésimale d’un instant de vie et d’une mort mésophysique (cf mon texte : Petite philosophie des limites) plus relative. Comme en mécanique quantique où les règles habituelles de la physique classique ne sont plus valables dans la physique de l’infiniment petit, il semble qu’en philosophie du vécu il en soit de même et que penser en continu l’échéance globale d’une vie terrestre rende triste alors que vivre la mort à chaque instant de vie procure de la joie !!!

 

Quel paradoxe ! La conscience/présence de ma mort à chaque instant me crée tout à la fois joyeux/joyeuse, détaché(e) mais attentif/attentive et responsable, empathique, subtil(e) et profond(e), créateur/créatrice !!!

 

En quelques mots : la présence existentielle, constante et ineffable de la mort à notre conscience, nous rend à tout moment mystérieusement et joyeusement vivants.

 

C. G. Jung ne serait sans doute pas mécontent de cette « conjonction des opposés » mais la Viemort est un exercice psycho-philosophique difficile, ......à moins que.......

 

À moins d’être tombé dedans étant petit(e) ou d’y avoir été conduit(e) par une expérience extatique, une NDE*ong> ou EMI* qui a gravé à tout jamais son sceau dans l’âme humaine !!!

 

* NDE : Near Death Experience = EMI : Expérience de Mort Imminente (à ce titre vous pourrez lire l'excellent livre du Dr Eben Alexander " La preuve du Paradis " Voyage d'un neurochirurgien dans l'après-vie )

 

Viemort et Handicap

Tiens donc, cela vous aurait-il échappé ?

 

Mais je n’ai pas encore parlé de handicap !

 

En effet chaque personne définitivement handicapée que ce soit de naissance ou de « plus tard » est tombée dans « la marmite de la Viemort » à un ou plusieurs moment(s) dans son existence et par expérience vécue, dans sa chair et son esprit, de façon consciente ou non, elle bénéficie de cette force nouvelle qui est source, en partie, de sa résilience et de sa joie de vivre.

 

Mais la Viemort c’est aussi son combat (cf mon texte : Combattants du possible) dans les moments

 sombres de sa vie en situation de handicap, son affrontement permanent aux frontières de la vie et de la mort, avec les moyens limités qui sont les siens. Sa façon de se battre peut paraître atypique, étrange ou insolite voire inquiétante, mais cette singularité resituée dans son contexte personnel et environnemental est traduisible et translatable à tout un chacun de façon profitable car elle recèle en son originalité même des solutions nouvelles et inexplorées.  

 

Comment se fait-il que ce grain de vie si démuni ne meurt pas et demeure dans la joie ??? Comment réinterpréter cette « singulière marginalité » pour la rendre accessible au plus grand nombre de citoyens ?

C’est l’autre face, inversée et ignorée, du problème de l’accessibilité physique de l’environnement aux personnes handicapées, la seule actuellement traitée (avec beaucoup de retard) par la société. Il faut introduire une relation gagnant-gagnant entre le Handicap et la Société qui est, encore aujourd’hui, sourde et aveugle vis-à-vis des avantages fondamentaux que peuvent lui apporter les personnes en situation de handicap, notamment sur les valeurs humaines aujourd’hui trop oubliées dans ce monde dit post- moderne.

La Viemort est l’une des ressources pratiquées avec succès par les personnes handicapées pour elles-mêmes, il est dommage que, par ignorance, monsieur ou madame Toulemonde ne puisse s’en servir !

Ce serait simple sagesse d’enfin écouter le dit du penseur taoïste chinois du IVème siècle avant J.C. Tchouang -Tseu

« La vie est la compagne de la mort, la mort est la conductrice de la vie, mais qui connait leur loi ?...... Puisque vie et mort sont compagnes l’une de l’autre, pourquoi nous troubler à leur sujet ? »

Ne pas se troubler certes mais agir également dans la mesure de nos moyens pour le bonheur de tous.

Dr Edlydol’

" Le début d'un air [de J.S. Bach], juste son début et j'accepte tout, aussi bien de mourir que de vivre. C'est vivre qui est le plus dur, n'est-ce pas ? "

Christian Bobin " La Grande Vie "

Rédigé par Edwin Lyoquaim alias Dominique Lamy

Publié dans #Autre

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